Homélie du fr. Luc Devillers OP pour le dimanche 18 juillet 2021 − 16e du T.O. (B) – Ursulines (Fribourg)
Jr 23,1-6 ; Ep 2,13-18 ; Mc 6,30-34
Avec une telle liturgie de la parole, on se croirait au quatrième dimanche du temps pascal, souvent appelé « dimanche du Bon Pasteur », car on y lit un extrait du chapitre 10 de l’évangile selon Jean, où Jésus se présente comme le vrai Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Mais nous ne sommes pas dans le temps pascal. Saint Marc est notre guide en cette année, et ce matin nous avons atteint la page où Jésus est pris de compassion pour la foule qui se masse autour de lui, comme « sans berger ».
Le thème du berger marque cet évangile, et la lecture du prophète Jérémie nous y a préparés. Comme Ézéchiel, qui est champion en la matière, Jérémie dénonce les mauvais bergers, qui ne visent qu’à s’engraisser et s’enrichir sur le dos de leurs brebis. Très vite, on comprend qu’il ne parle pas de brebis, mais qu’il utilise cette image pastorale pour dénoncer la manière dont les chefs d’Israël malmènent le peuple que Dieu leur a confié. Il faut dire que, dans la longue histoire de la monarchie en Israël et en Juda (les royaumes du nord et du sud de la Terre sainte), les bons rois, les saints rois qui cherchent à faire en tout la volonté de Dieu, se comptent sur les doigts d’une main ! La plupart d’entre eux ont été infidèles à leur vocation. Aussi les prophètes, Ézéchiel en tête, mais aussi Zacharie et ce matin Jérémie, dénoncent leur mauvais comportement. Ils rappellent alors que le vrai Berger d’Israël n’est pas le roi humain mis à la tête du peuple, mais le Dieu d’Israël. C’est dans cette optique que Jésus se présente comme le Bon Pasteur.
De nos jours, l’Église n’a pas bonne presse. Il faut dire qu’il y a de quoi se défier de cette institution humaine, trop humaine, dans lesquels des ministres ont commis des actes scandaleux, répréhensibles et condamnables, en abusant de leur autorité sur des personnes plus jeunes ou plus fragiles. Les deux papes actuels, l’émérite Benoît XVI et François, ont mené et mènent encore un rude combat pour assainir la situation du clergé. François dénonce les dangers du cléricalisme, qui est loin d’être un fléau du passé, mais a tendance à revenir au galop dans certains milieux et chez certains jeunes prêtres.
Aujourd’hui, Jésus se présente comme un bon berger qui a souci de son troupeau. Il a vraiment le souci du bien-être des autres, il a mis toute sa vie au service des autres. Et puisque nous le confessons comme le Fils unique du Père, sa posture de berger n’est pas seulement celle d’un homme juste et respectueux des autres : c’est aussi, et avant tout, l’attitude du représentant de Dieu sur terre. Par ses mots et ses actes, il nous révèle le vrai visage du Père, qui nous aime avec tendresse, comme un vrai berger a le souci de ses brebis et veut leur bien. Mais, si l’image pastorale employée par les prophètes dénonce le comportement des chefs en Israël, la lettre aux Éphésiens élargit notre horizon, en nous rappelant qu’à côté d’Israël il y a aussi les païens. Or, tous les hommes sont créés par Dieu et aimés par lui, il réserve à tous un avenir de bonheur éternel auprès de lui. C’est pourquoi Jésus est présenté comme celui qui apporte la paix à tous les êtres humains, juifs et païens.
Ainsi nous est dessinée la feuille de route de l’Église. En tant que disciples de Jésus, nous sommes tous appelés à être missionnaires, rappelle le pape François. Non pas forcément pour nous planter aux carrefours des villes en proposant nos brochures, ni en visitant les maisons pour annoncer la Bonne Nouvelle, comme font certaines sectes. Mais pour que le moindre geste de notre vie quotidienne, la moindre parole qui s’échappe de nos lèvres, le moindre sourire qui illumine notre visage soit un témoignage authentique de l’amour de Dieu pour tous les êtres humains.
Dans l’évangile, Jésus est saisi de compassion pour des êtres en quête de berger. Mais sa réaction nous surprend, car il ne leur offre pas du pain pour leur corps, mais « il se met à les enseigner longuement » ! Certes, il sait bien que « ventre affamé n’a point d’oreilles », comme dit le proverbe. À des gens étranglés par la misère physique, il faut apporter la guérison ou le pain qui manque. Mais une faim plus grave encore menace le genre humain : le manque de sens, de bonheur, de confiance et d’espérance. Voilà ce que Jésus apporte aujourd’hui à la foule. La Parole de Dieu est un pain nourrissant pour l’âme, une parole de réconfort qui aide à vivre. En ce temps de vacances, sachons, frères et sœurs, nous rassasier nous-mêmes de la Parole de Dieu, et osons la partager avec celles et ceux qui nous entourent, dans le grand respect du secret de chacun. Amen.