Homélie du fr. Luc Devillers OP pour le 22 mai 2022 (6e dimanche de Pâques, C) – Abbaye de Boscodon
Ac 15,1-2.22-29 ; Ap 21,10-14.22-23 ; Jn 14,23-29 (Le Père, le Fils et l’Esprit Saint, la paix et la joie)
Tout au long du temps pascal, les Actes des apôtres nous racontent le déploiement de la Bonne Nouvelle de Jésus, mort et ressuscité, pour le salut de toute l’humanité. Nous suivons les apôtres et leurs collaborateurs sur les routes du Proche-Orient, de l’Asie mineure (l’actuelle Turquie) et de la Grèce. À la dernière page des Actes, la mission de saint Paul aboutira à Rome, capitale de l’empire ; non pas comme un point final, mais pour un nouveau départ en direction des quatre points cardinaux. La mission n’est pas achevée, elle est notre devoir !
Entre Jérusalem et Rome, une autre ville joue un rôle important dans l’évangélisation : Antioche de Syrie. Plus haut, dans son livre, saint Luc nous a appris que « c’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de ‟chrétiens” » (Ac 11,26). Au début, ce surnom était sans doute un sobriquet, employé par les païens pour se moquer des disciples de Jésus. Mais les baptisés s’en sont vite emparés, car il leur rappelait le fondement de leur identité : oui, de par notre baptême, nous sommes les membres du Christ. À la suite de saint Paul, beaucoup de Pères de l’Église souligneront que le Christ n’est rien tout seul, sans son corps. Il est la Tête, mais nous sommes les membres de son Corps. Et saint Paul nous rappelle que Jésus est un Messie crucifié ! Voilà notre joie, notre fierté, que nous pouvons chanter : « La croix du Christ est notre gloire, sauvés par lui, nous vivons ressuscités ! »
Au jour de la Pentecôte – nous verrons cela bientôt –, la Bonne Nouvelle de Jésus ressuscité a mis le feu au cœur de nombreux juifs et amis du judaïsme. Puis, petit à petit, le feu a pris aussi dans le cœur des païens, et les apôtres ont compris que le salut apporté par Jésus était offert à tous les hommes, sans distinction d’origine, de langue, de culture.
Mais un problème se pose, dont le passage des Actes de ce jour nous transmet l’écho : pour les juifs, descendants d’Abraham, la circoncision est le signe de leur appartenance au peuple de Dieu ; alors, faut-il obliger les païens qui se convertissent à Jésus à recevoir eux aussi cette marque dans leur chair ? Certains chrétiens, fiers de leurs racines juives, le pensent ; mais Paul et Barnabé sont de l’avis contraire. Dieu est capable de toucher des hommes et des femmes qui n’appartiennent pas au peuple de la Circoncision ; il ne fait pas de différence entre les hommes. La vision de l’Apocalypse évoquée ce matin rejoint cette conviction. En effet, le salut apporté par Jésus s’enracine dans la tradition d’Israël, car les portes de la Cité sainte portent les noms des douze tribus d’Israël. Mais il s’élargit aux dimensions du monde grâce à la mission évangélisatrice des apôtres, car les remparts de la Cité portent les noms des douze apôtres. Tous les élus rayonnent de la gloire de Dieu, leur lumière et leur joie c’est le Père et son Fils, l’Agneau vainqueur du mal, dans l’Esprit Saint.
Dans l’évangile, Jésus nous invite à l’accueillir en gardant sa parole au fond de notre cœur. Non pas pour l’y enterrer et l’oublier. Mais au contraire, pour que nous puissions nous en nourrir régulièrement, quotidiennement. Cette Parole de vie, nous n’aurons jamais fini de la méditer, de la scruter, de mieux la comprendre, de la goûter enfin. Et aujourd’hui Jésus déclare qu’il nous envoie l’Esprit Saint afin qu’il nous aide à toujours mieux en saisir la portée. À l’approche de la fête de la Pentecôte, demandons à l’Esprit de venir nous embraser du feu de Dieu.
Ce dimanche 22 mai, sixième dimanche de Pâques, est aussi la Journée des chrétiens d’Orient. En ce jour, nous sommes invités à nous unir par la prière avec nos frères et sœurs d’Orient et du Proche-Orient. Bien sûr, nous pensons à nos frères et sœurs des Églises orthodoxes et protestantes. Mais n’oublions pas non plus les nombreux chrétiens orientaux qui font partie de l’Église catholique. Ils sont de divers rites et langues : syriaque, copte, maronite, grec-melkites, gréco-catholiques roumains et ukrainiens, éthiopiens, érythréens, syro-malankars, syro-malabars, chaldéens, arméniens… et même latins ! Ici à Boscodon, nous avons connu Mgr Najeeb Michaeel, dominicain, archevêque chaldéen de Mossoul. Nous sommes invités à entretenir des liens d’amitié avec nos frères et sœurs du Proche-Orient et d’Orient, car ils plongent leurs racines plus profondément que nous encore dans le terreau religieux de la Terre sainte. Prions avec eux et pour eux tout au long de cette journée, et au-delà encore. Et que le Seigneur soit toujours davantage votre joie ! Amen.