Homélie du fr. Luc Devillers OP pour le dimanche 15 janvier 2023 (2e du TO-A), Boscodon
Is 49,3…6 ; 1 Co 1,1-3 ; Jn 1,29-34
Les lectures de ce dimanche nous parlent beaucoup d’appel, de vocation. Nous avons entendu un passage d’Isaïe, un de ceux qu’on appelle « les Chants du Serviteur », car Dieu s’y adresse à son serviteur Israël. Mais, avant d’être le nom d’un peuple, Israël est le nouveau nom donné par Dieu au patriarche Jacob, après sa mystérieuse lutte nocturne contre lui : « Ton nom ne sera plus Jacob, mais Israël (c’est-à-dire : Dieu lutte), parce que tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu l’as emporté » (Gn 32,29). Jacob devient Israël, car il porte en lui ce futur peuple de Dieu. Il y a toujours un lien entre chaque personne et la communauté. Et, jusqu’aujourd’hui, Israël a pour vocation d’être le peuple témoin de l’amour de Dieu pour l’humanité. C’est en ce sens qu’Isaïe l’appelle la lumière pour les nations : « Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. »
Pour nous chrétiens, le serviteur de Dieu c’est surtout le Christ, qui, dans l’évangile de Jean, se présente comme la Lumière du monde (Jn 1,9 ; 8,12 ; 9,5 ; 12,46). Mais, chez saint Matthieu, il appelle ainsi ses disciples : « Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5,14-16). On retrouve la double dimension, à la fois singulière et collective, du Serviteur de Dieu : Jésus et ses disciples. Nous sommes les membres du Corps du Christ, appelés à devenir lumière pour notre humanité, à la suite et à l’image du Christ, et avec nos frères juifs. Et notre vocation à tous est de faire rayonner aux yeux de nos frères et sœurs en humanité la lumière vivifiante de Dieu. Pour nous, chrétiens, elle brille sur le visage du Christ. Pour les juifs, le rayonnement lumineux de la gloire de Dieu dit sa fidélité et son amour. Juifs ou chrétiens, nous ne sommes pas meilleurs que les autres. Mais notre mission est d’attester que Dieu existe, qu’il a créé ce monde et notre humanité par amour, qu’il nous appelle à vivre en communion avec lui.
Le psaume de ce jour évoque lui aussi notre vocation : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit : ‟Voici, je viens.” Dans le livre, est écrit pour moi ce que tu veux que je fasse. » Plus le temps avançait, plus en Israël on a pris conscience que Dieu ne se rassasiait pas du sang des boucs ni de la chair des taureaux. Mais il nous a donné des oreilles, pour que nous puissions prêter attention à sa parole, dont la Bible constitue la trace écrite. Dimanche prochain, nous célébrerons le Dimanche de la Parole, une fête instituée il y a deux ans par le pape François, dans la ligne du Concile Vatican II et de l’enseignement du pape Benoît XVI récemment décédé. Nous serons encouragés à nous nourrir de la Parole de Dieu, à oser ouvrir notre bible jour après jour. Bien sûr, elle ne donne pas des réponses toutes faites, elle ne nous délivre pas sur-le-champ de tous nos soucis et épreuves. Mais elle peut vraiment nous faire avancer sur la route de la vie, dans la confiance en Dieu qui nous aime. Il est vrai que lire la Bible n’est pas chose facile ; nous avons besoin d’aide, de lire avec d’autres. C’est tous ensemble que nous formons un corps, le Corps du Christ, l’Église.
Saint Paul nous a fait entendre le début d’une de ses lettres, avec la salutation d’usage : « À vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ. » Mais à qui Paul adresse-t-il ces vœux, et au nom de quoi le fait-il ? Paul se sait « appelé par la volonté de Dieu pour être apôtre du Christ Jésus » ; il écrit en communion avec « Sosthène notre frère » ; et il s’adresse aux chrétiens de Corinthe, « qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus et sont appelés à être saints avec tous [les croyants] ». Paul veut que tous les hommes soient unis par une foi vivante et agissante.
Enfin, l’évangile nous rappelle notre vocation, à la suite de Jean-Baptiste : témoigner que Jésus est « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », « le Fils de Dieu ». À nous d’accueillir son témoignage dans la foi. Mais, ne l’oublions pas, le seul moyen de vérifier la température de notre foi, le seul thermomètre du croyant, c’est la charité, l’amour de nos frères et sœurs, en particulier les plus démunis, les plus pauvres, les plus blessés. Voilà comment nous pouvons vérifier la chaleur de notre foi, et ainsi avoir une petite idée de notre amour de Dieu. Amen.