Homélie du fr. Luc Devillers OP pour le 21 mai 2023 (7e dim. de Pâques A) – Boscodon
Ac 1,12-14 ; 1 P 4,13-16 ; Jn 17,1-11
Entre Ascension et Pentecôte, le septième dimanche du temps pascal joue le rôle d’un pont. C’est tout particulièrement vrai en cette année A du cycle liturgique, où nous avons entendu dans les Actes des apôtres la suite de la scène de l’Ascension, avec les premiers croyants unis dans la prière. Un peu plus haut saint Luc explicitait le contenu de leur prière, en faisant dire à Jésus ressuscité : « Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous : vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » Les disciples demandent à l’Esprit Saint de venir sur eux. Et c’est cela qui nous est proposé à nous aussi : qu’il s’empare de nous, nous purifie de nos souillures, guérisse nos blessures et fortifie notre amour de Dieu et de nos frères et sœurs.
Dans le petit groupe de croyants réunis en prière à Jérusalem, il y avait les Onze apôtres – puisque Judas a quitté le groupe et que Matthias n’a pas encore été élu pour le remplacer –, mais aussi des femmes et des proches de Jésus. Et, parmi ces femmes, se trouve « Marie la mère de Jésus ». Puisque Jésus nous l’a donnée comme mère sur la croix (voir Jn 19,26.27), Marie joue un rôle maternel à notre égard. C’est avec elle que nous demandons à l’Esprit Saint de venir nous embraser.
Mais la première lettre de Pierre ne nous cache pas que la vie chrétienne est exigeante : « Dans la mesure où vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous… Si l’on vous insulte pour le nom du Christ, heureux êtes-vous ! » Ces mots rappellent la dernière béatitude de Jésus dans son Sermon sur la montagne (voir Mt 5,11-12). La vie chrétienne est une marche à la suite du Christ, elle nous fait emprunter le même chemin que lui. Voilà notre « GR », la plus grande randonnée que nous puissions faire : avancer pas à pas vers la Maison du Père, construire dès aujourd’hui, avec son aide, notre demeure éternelle ! Mais la lettre ajoute une autre explication à la joie promise si nous souffrons avec et pour le Christ : « Parce que l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous. » Être habité par l’Esprit de Dieu, c’est vivre dans la confiance en Dieu, que nous pouvons appeler « Abba, Père », comme le faisait Jésus et comme nous l’a dit saint Paul (voir Rm 8,15 ; Ga 4,6).
L’Église n’a jamais encouragé les croyants à rechercher le martyre. Mais si la menace se profile à l’horizon, alors nous sommes invités à garder confiance en Dieu, à tenir bon dans la détresse. Et c’est ainsi que des être fragiles, hommes et femmes de tous âges, ont été et sont encore capables de donner leur vie pour le Christ. Ce ne sont ni des surhommes, ni des héros ni des sportifs de l’extrême, qui à force d’entraînement se seraient préparés aux pires situations. Non, ce sont des gens ordinaires qui ont mis leur confiance en Dieu jusqu’au bout.
Depuis la Pâque de Jésus, nous avons la chance d’avoir deux Paraclets. Ce mot grec paraklètos signifie avocat, intercesseur, défenseur. Jésus désigne ainsi le Saint-Esprit ; mais la première lettre de Jean dit que Jésus ressucité est lui aussi un Paraclet pour nous, car il vit auprès du Père et intercède pour nous. Tel est bien le sens de la magnifique prière du chapitre 17 de saint Jean, dont chaque année nous lisons un extrait entre Ascension et Pentecôte. Ce matin, Jésus prie afin que nous grandissions dans la foi au Dieu vivant et en lui, son Fils bien-aimé, pour que nous ayions la vie éternelle.
Le passage que nous avons entendu pourrait nous choquer, car Jésus dit : « Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie… » Il ne prie pas pour le monde ? Il est pourtant le Sauveur du monde (voir Jn 4,42 ; 1 Jn 4,14), l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1,29), celui qui obtient non seulement le pardon de nos péchés, mais encore ceux du monde entier (1 Jn 2,2) ! Alors, pourquoi Jésus refuse-t-il de prier pour le monde ? Certainement pas parce qu’il aurait décidé de le laisser s’en aller à sa perte. La réponse se trouve à la fin, quand Jésus dit, à propos de nous : « Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé […] Qu’ils deviennent parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé » (Jn 17,21.23). Le salut de toute l’humanité dépend de notre unité ! Et notre unité est soutenue par la prière de Jésus ressuscité, comme par nos actes concrets. Pour le salut de toute la création, nous sommes les collaborateurs de Dieu : telle est notre responsabilité ! Alors, soyons à la hauteur de notre mission. Amen !