En guise d’homélie (fr. Luc Devillers OP) pour la fête de la Sainte Famille (31.12.2023, année B) – Boscodon
(Gn 15,1-6 ; 21,1-3 ; He 11,8.11-12.17-19 ; Lc 2,22-40)
Pour l’Église catholique, la famille commence par un homme et une femme recevant le sacrement de mariage, avec quatre conditions : engagement libre, à la fidélité et à l’indissolubilité, et ouverture à la fécondité. Mais l’Ancien Testament connaît d’autres modèles de famille, y compris pour Abraham (dont parlent les deux premières lectures et le psaume de ce jour). Dans son livre Ce que dit la Bible de la famille, le fr. Philippe Lefebvre, professeur d’Ancien Testament à Fribourg, souligne la diversité des modèles familiaux dans la Bible. Que dire alors des autres modèles venant d’autres cultures ?
Or, ce matin nous célébrons la Sainte Famille. L’oraison d’ouverture disait : « Tu as voulu, Seigneur Dieu, que la sainte famille nous soit donnée en exemple ; accorde-nous, dans ta bonté, de pratiquer comme elle les vertus familiales etc. » Mais cette famille est singulière, on dirait presque une famille recomposée. Saint Joseph n’est pour rien dans la naissance de Jésus. Marie est bien la mère de Jésus, mais elle l’a conçu de l’Esprit Saint. Enfin, l’enfant qui s’est développé comme tous les enfants du monde (saint Luc nous l’a dit, à la fin de l’évangile) est aussi le Fils unique de Dieu. Alors, comment imiter une telle famille ? En réalité, ce qui compte pour Dieu, ce ne sont pas les liens du sang, mais ceux de l’amour fraternel et de l’amitié, du respect des différences et de l’ouverture aux autres. Aujourd’hui, nous ne célébrons pas la fête de nos clans, pas même du clan de l’Église, mais celle de la grande famille des enfants de Dieu.
Vous vous souvenez qu’après le synode sur la famille (2014-2015), le pape François avait publié son Exhortation « La joie de l’amour ». À propos des personnes en situation irrégulière, on y lit ces mots, que François a repris de son premier document, La joie de l’Évangile : « L’Eucharistie n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles » (Amoris Laetitia § 305, n. 351 < Evangelii Gaudium § 47). Or, le 21 décembre dernier, le Dicastère pour la Doctrine de la foi a publié une Déclaration sur la signification pastorale des bénédictions qui a choqué, car elle exprime « la possibilité de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe, sans valider officiellement leur statut ni modifier en quoi que ce soit l’enseignement pérenne de l’Église sur le mariage). Il y est dit ceci :
« Celui qui demande une bénédiction montre qu’il a besoin de la présence salvifique de Dieu dans son histoire, et celui qui demande une bénédiction à l’Église reconnaît l’Église comme sacrement du salut que Dieu offre. Chercher une bénédiction dans l’Église, c’est admettre que la vie de l’Église jaillit du sein de la miséricorde de Dieu et nous aide à avancer, à mieux vivre, à répondre à la volonté du Seigneur. […] La grâce de Dieu agit en effet dans la vie de ceux qui ne se prétendent pas justes mais se reconnaissent humblement pécheurs comme tout le monde. »
Le P. Ph. Bordeyne, Président de l’Institut Jean-Paul II pour l’étude du mariage et de la famille, commente : « Dieu a créé le mariage pour leur bonheur et celui de l’humanité, et […] il reste bon et miséricordieux envers ceux qui prennent d’autres chemins pour des raisons que souvent ils ne maîtrisent pas totalement. […] Le ministre est invité à écouter ce que le couple attend de Dieu à travers son désir de bénédiction. Il pourra alors l’inviter à bénir Dieu pour les fruits de leur union et à lui demander son aide pour surmonter les limites et les manques d’amour qui traversent leur vie. De son cœur de prêtre ou de diacre pourra jaillir ‟spontanément” une prière et un geste appropriés pour bénir ce couple-là. Grâce à cette bénédiction discernée et personnalisée, les couples marqués par une histoire compliquée pourront reconnaître devant Dieu, soutenus par un ministre de l’Église, leur dignité de baptisés et la valeur de leur histoire commune, en dépit de ses limites objectives. Ils pourront être relancés dans leur vie de foi. »
Enfin, un couple membre du Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie indique comment recevoir la Déclaration : « Notre lecture sera fructueuse si elle est dépassionnée, attentive et confiante. Dépassionnée : c’est-à-dire sans peur ni colère […]. Attentive : lisons ce texte comme nous voudrions qu’on lise un texte que nous aurions écrit […] Un texte aussi déformé par les interprétations partisanes demande à être lu à sa source puis expliqué et travaillé avec nos pasteurs. Confiante : cette Déclaration, […] peut bousculer certaines de nos convictions et certaines de nos pratiques, mais si nous l’accueillons humblement, dans une docilité confiante, nous en comprendrons peu à peu le sens et l’importance. […] Le monde actuel souffre […] d’ignorer l’Amour infiniment miséricordieux de Dieu, Amour qui ne va jamais sans la Vérité. »