Homélie 2e dimanche (14 janvier 2024)

Homélie du fr. Luc Devillers OP pour le dimanche 14 janvier 2024 (2e du T.O., année B) – Boscodon
1 S 3,3b-10.19 ; 1 Co 6,13b-15a.17-20 ; Jn 1,35-42

Frères et sœurs, il y a trois semaines, nous avons célébré Noël : notre Dieu nous aime si fort, qu’il a voulu habiter parmi nous, se faire l’un de nous. Mais il n’est pas tombé du ciel aux alentours de la trentaine, juste pour son baptême et sa vie d’adulte. Non, comme chacune et chacun de nous il a commencé par être conçu dans le sein d’une femme. Puis il est né, il s’est fait petit enfant ; et, avant de devenir adulte et d’accomplir la mission que le Père lui avait confiée, il a grandi, comme tous les petits enfants du monde. Vous avez sans doute déjà été frappés par le fait que tous les enfants, quelle que soit leur nationalité, leur langue, leur ethnie, rient et pleurent tous de la même façon : c’est bien la preuve que notre humanité est une, dans la diversité de ses représentants. À propos de Jésus, saint Luc précise, à la fin de son « Évangile de l’enfance », qu’il a grandi sous le regard de Dieu et des hommes, non seulement en taille, mais encore en sagesse, et même en grâce (cf. Lc 2,40.52) !
Comme le petit Samuel de notre première lecture, Jésus est né dans une famille croyante, habitée par une grande confiance en Dieu. Par saint Matthieu nous savons que Joseph, son père nourricier, était un homme juste (Mt 1,19), c’est-à-dire qu’il cherchait à s’ajuster en tout à la volonté de Dieu. Quant à Marie, sa mère, elle s’est dite l’humble servante du Seigneur, prête à laisser la volonté divine se réaliser en elle (Lc 1,38.48). Pendant deux siècles, dans cette ancienne abbaye de Boscodon, il y a eu un hameau paysan. Plusieurs familles ont vécu ici, y compris dans cette abbatiale. Et, entre les années 1920 et 1950, il y a même une école primaire, ou plutôt une classe unique regroupant une quinzaine d’enfants. La fille de la dernière institutrice habite encore à Crots. Lorsque nous-mêmes, nous évoquons nos années d’école, nous pouvons reconnaître le travail qui s’est progressivement accompli en nous, pour façonner notre humanité et construire notre culture, grâce à nos parents, à nos éducateurs.
Comme Jésus, comme Samuel, nous avons aussi été formés, nous les baptisés, à l’écoute de la Parole du Seigneur. Mais avons-nous retenu la leçon que nous livre l’histoire du petit Samuel ? Avons-nous appris à dire comme lui, parce qu’un frère aîné nous l’a appris (ou une sœur aînée, une grand-mère, une moniale, une marraine) comme le prêtre Éli : Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ? Avons-nous compris que la prière et la relation personnelle avec Dieu ne sont pas de l’ordre d’une série d’obligations à remplir, comme les pilules qu’un malade doit prendre à heure fixe, mais de l’ordre du rendez-vous d’amour, d’une rencontre pleine de tendresse ? À tout âge on peut faire l’expérience de Dieu. Dès la petite enfance, car Dieu vient à nous à toute heure de notre vie. Il ne nous abandonne jamais. Quel que soit votre âge et votre situation personnelle aujourd’hui, sachez que Dieu vous aime et vous attend !
La première lecture nous a appris que Dieu prenait l’initiative d’entrer en relation avec nous. Mais l’évangile nous a montré que nous devons tout faire pour le chercher. En effet, chez Jean, Jésus est le Maître et le Seigneur (Jn 13,13) qui choisit librement ses disciples (Jn 15,16). Et pourtant, Jean est le seul évangéliste à dire que les premiers disciples viennent d’eux-mêmes à lui. De leur libre initiative, parce qu’ils ont entendu le témoignage de Jean-Baptiste : Voici l’Agneau de Dieu. Ils se mettent alors à suivre Jésus, qui leur demande : Que cherchez-vous ? À nous d’être en quête de Dieu, sans oublier que Dieu a pris les devants et nous cherche de son côté. Un philosophe juif du xxe siècle, Abraham Heschel, a écrit un livre intitulé Dieu en quête de l’homme.
Et nous, que cherchons-nous dans la vie ? Lorsque nous venons à l’église, que nous prions ou lisons la Bible ? Voulons-nous simplement assouvir une curiosité humaine, intellectuelle, élargir notre horizon culturel ? ou croyons-nous que Dieu a quelque chose de précieux à nous dire, à nous donner ? Quel que soit notre âge, mettons-nous en quête de Dieu.
Entre l’histoire de Samuel et l’évangile, saint Paul nous a parlé du corps. Toute sa Première lettre aux Corinthiens parle du corps, elle décline ce mot sous toutes ses formes : ce matin, notre corps charnel et sexué ; ailleurs, le corps de Jésus crucifié et ressuscité ; puis son corps eucharistique, et le corps ecclésial que nous formons ; enfin, elle affirme la résurrection des corps, qui dit la grandeur et la dignité de tout être humain. Notre corps appartient au Seigneur, et il est le temple de l’Esprit. C’est encore la leçon de Noël : Dieu s’est fait chair ! Aussi notre corps est-il appelé à la transfiguration, à la résurrection. Prenons alors au sérieux l’invitation de Paul, et Rendons gloire à Dieu dans notre corps ! Amen.