Homélie du fr. Luc Devillers OP pour le 3e dim. du T.O. B, « Dimanche de la Parole de Dieu » 21 janvier 2024 – Notre-Dame-du-Laus –
Jon 3,1-5.10 ; 1 Co 7,29-31 ; Mc 1,14-20
Chers frères et sœurs, vous qui êtes présents dans cette basilique Notre-Dame-du-Laus, et vous qui nous suivez à distance, c’est vers la fin de l’année 2019 que le pape François a institué le « Dimanche de la Parole de Dieu ». Dans le sillage du Concile Vatican II, il a souhaité que les chrétiens se nourrissent davantage, plus souvent, et plus profondément, du pain de la Parole. Et comme nous le partageons avec nos frères protestants et orthodoxes, cela se fait le 3e dimanche du temps ordinaire, pendant la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens.
Chaque dimanche, la messe est le moment par excellence où nous célébrons le Christ ressuscité. Nous le faisons en partageant le pain du Seigneur. Comme pour les disciples naviguant sur la mer de Galilée (voir Mc 8,14), ou cheminant en direction d’Emmaüs (voir Lc 24,13-35), le Seigneur n’a qu’un pain à nous partager. Et cet unique pain, c’est son Fils Jésus, notre Sauveur. Or, bien qu’il soit unique, ce pain se donne à nous sous deux formes : par la communion au sacrement de l’eucharistie, et par l’écoute attentive des saintes Écritures (liturgie de la Parole). Oui, de même que nous reconnaissons la présence réelle du Seigneur dans le sacrement de l’eucharistie, de même nous devons reconnaître sa présence réelle dans la Parole de Dieu, en particulier dans l’évangile. Cette Parole de Dieu est puissante, et peut donner la vie. C’est la raison pour laquelle le rituel prévoit que le célébrant, après avoir proclamé l’évangile, vénère l’évangéliaire et dise à voix basse : « Que cet évangile efface nos péchés ! » Il s’agit de cet évangile entendu aujourd’hui, et non d’un autre : c’est lui qui, aujourd’hui, nous est offert comme source de pardon et de salut.
À nous donc, de chercher à saisir comment les lectures de ce jour, et en particulier l’évangile, sont pour nous une parole de salut.
Saint Paul nous a affirmé que « le temps [était] limité » : « Il passe, ce monde tel que nous le voyons. » Quand nous voyons les effets néfastes du réchauffement climatique, ne sommes-nous pas tentés de dire que Paul avait raison, et que par notre faute nous avons précipité la fin de ce monde ? Mais seul le Père connaît le jour et l’heure de la fin du monde (ou plutôt, de son renouvellement dans le Royaume nouveau). Ne nous méprenons pas sur les mots de Paul. Pour lui, si le temps de l’histoire du monde a atteint son terme, s’il s’est raccourci, contracté, c’est parce qu’un événement surprenant, hors du commun, est arrivé : le Christ est bel et bien mort, mais il est ressuscité !
Notre esprit a du mal à penser hors du temps. Alors, nous avons pris l’habitude de découper le mystère pascal en tranches chronologiques : le jeudi saint, puis le vendredi saint avec son soleil qui s’assombrit, et encore le grand silence du samedi saint ; enfin, la joyeuse lumière de la nuit pascale, le Christ ressuscité. Mais, du point de vue de Dieu, que saint Paul tente de nous faire adopter ce matin, la mort et la résurrection de Jésus sont comme l’avers et le revers d’une même médaille. Plus loin, dans cette même lettre aux Corinthiens, il dira que si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi ne sert strictement à rien. Mais affirmer que Jésus est ressuscité, c’est du même coup affirmer qu’il était mort ! La Pâque de Jésus, la Pâque qui nous sauve, c’est ce message inouï, sidérant d’audace et d’innovation : en Jésus, la mort qui touche tous les êtres vivants n’a plus le dernier mot. Elle existe toujours, mais comme un passage, un dernier tunnel à traverser avant de déboucher dans la radieuse lumière de Pâques.
Face à la venue imminente du Ressuscité, saint Paul nous invite à relativiser nos engagements terrestres, pour nous concentrer sur l’essentiel. Pour laisser le Ressuscité transformer, transfigurer notre vie dès maintenant. Paul le dit encore dans d’autres lettres : nous devons vivre en ressuscités, dans la joie et la paix, dans la lumière et la confiance, dans le service plein d’amour de nos frères et sœurs les plus petits.
Ce matin, la parole de l’apôtre nous a rejoints accompagnée par l’exhortation à la conversion du prophète Jonas, et par celle de Jésus qui nous appelle à sa suite : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile […] Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » Pour cette pêche à laquelle nous sommes tous invités, pas besoin de permis ou de carte. Il suffit de prendre au sérieux son baptême, de croire fermement à la parole de Jésus, qui éclaire, purifie, réchauffe, fortifie et donne la vie. N’attendons pas demain pour nous y mettre !