Homélie du fr. Luc Devillers op pour le 28 janvier 2024 (4e dim. du TO, année B) – Boscodon et Merlette
Dt 18,15-20 ; 1 Co 7,32-35 ; Mc 1,21-28
La première lecture de ce dimanche nous annonçait l’envoi par Dieu d’un nouveau Moïse : « Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. » Mais, dans le judaïsme antique, Moïse avait une telle réputation que le même livre du Deutéronome, après avoir annoncé la venue de ce prophète, se ravise et s’achève par ce constat : « Il ne s’est plus levé en Israël un prophète comme Moïse, lui que le Seigneur rencontrait face à face » (Dt 34,10).
Quelques siècles plus tard, les évangélistes Luc et Jean reconnaîtront en Jésus le prophète semblable à Moïse, annoncé par le Deutéronome. De fait, pendant son ministère en Galilée, Jésus allait de village en village, et prêchait pendant le sabbat dans la synagogue. Et les évangiles, comme celui de Marc ce matin, rapportent que « l’on était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes ». La façon dont Jésus parlait de Dieu sortait de l’ordinaire. C’était comme s’il savait de quoi, ou plutôt de qui, il parlait ! C’est pourquoi les chrétiens le confessent comme le Fils éternel du Père.
Jésus avait donc une manière d’enseigner qui ne ressemblait pas à celle des scribes. Comme de bons élèves qui ont bien appris leur leçon, ceux-là répétaient ce qu’on leur avait enseigné. Un peu comme un prêtre, une religieuse ou un/une catéchiste, qui connaîtrait par cœur le Catéchisme de l’Église catholique, mais en parlerait de l’extérieur, comme d’une vérité pas vraiment intégrée, digérée. Sur le plan humain, nous désirons que nos enfants grandissent, en taille et en force, mais aussi en capacité de juger et d’assimiler par eux-mêmes ce qui est bon et vrai, ce qui peut faire du bien aux autres, ce qui fait grandir. De même, sur le plan chrétien, nous sommes tous appelés à progresser sans cesse, pour ne pas en rester à ce que nous avons appris au catéchisme, pour ne pas en rester à notre foi d’enfant. Or, parler de Jésus, témoigner de notre foi, cela ne se fait pas qu’avec des mots, mais aussi et surtout à partir de notre expérience.
Dimanche dernier, nous avons célébré le « Dimanche de la Parole de Dieu ». Le pape François encourage les chrétiens à lire régulièrement l’évangile, afin qu’ils puissent en témoigner en vérité. Bien sûr, nous ne sommes pas Jésus : nous ne pouvons pas prétendre avoir la même autorité que lui, cette manière de parler et d’agir qui surprenait ses contemporains. Nous ne sommes pas Jésus, mais nous sommes ses disciples, et donc ses représentants sur terre. Or, représenter, cela veut dire rendre présent. Quelle que soit notre place dans la société et dans l’Église, c’est à nous que revient l’honneur et le devoir de rendre Jésus présent auprès des gens qui l’ignorent. Pas besoin pour cela d’être un grand évêque comme saint François de Sales, le saint patron des médias et communications fêté le 24 janvier dernier ; ou un super-apôtre comme saint Paul, dont nous avons célébré la conversion le 25 janvier ; ou encore un grand théologien comme saint Thomas d’Aquin, dont la fête tombe en ce dimanche 28 janvier. Nous sommes tous appelés à annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus, en tant que disciples-missionnaires : missionnaires parce que disciples, disciples et donc aussi missionnaires. Pour cela, pas besoin de faire de grands discours ou d’écrire de gros livres. Il nous suffit de vivre le plus honnêtement possible de notre foi en Jésus, et de le laisser transparaître discrètement dans nos paroles, dans nos écrits (sur tous les supports possibles), mais avant tout par notre attitude dans la vie quotidienne.
Or, parler de Jésus au quotidien, cela ne peut se faire que si nous prenons au sérieux sa parole, son invitation à la conversion, et si nous acceptons de lui donner la priorité. C’est ce que saint Paul nous a suggéré, en prenant l’exemple de la vie d’un couple immergé dans la culture de son temps : « Frères, j’aimerais vous voir libres de tout souci […], le souci des affaires de ce monde. » Il voulait que les chrétiens de Corinthe, qu’il a formés, évangélisés, mènent leur vie de façon à « plaire au Seigneur ». Pour cela, il veut leur « proposer ce qui est bien, afin que vous soyez attachés au Seigneur sans partage ». Frères et sœurs, comme l’a dit le psalmiste, « nous sommes le peuple qu’il conduit ». Alors, « crions de joie pour le Seigneur » ; ne fermons pas notre cœur comme au désert, mais écoutons sa parole ! Car cette Parole peut transformer nos vies. C’est la grâce que je vous souhaite. Amen.