Homélie du fr. Luc Devillers OP pour le 2e dimanche d’Avent (année C) – Clarisses de Montbrison
Ba 5,19 ; Ph 1,4-6.8-11 ; Lc 3,1-6
Aujourd’hui, saint Luc nous présente Jean-Baptiste d’une façon très personnelle, et cela pour au moins trois raisons. Tout d’abord, il commence son évangile en établissant un parallèle entre la naissance et l’enfance du Baptiste et celles de Jésus. Lorsque ses lecteurs lisent son chapitre 3, comme nous ce matin, Jean-Baptiste n’est donc pas pour eux un inconnu. La deuxième originalité de Luc est de dresser le cadre humain, politique et religieux, dans lequel la mission de Jean-Baptiste va s’insérer : il mentionne l’empereur de Rome et ses représentants en Palestine, les responsables religieux du peuple juif et la famille des grands prêtres. Enfin, dans notre passage d’évangile, saint Luc présente Jean-Baptiste au moyen d’une longue citation du prophète Isaïe. Et Luc va plus loin que les autres évangiles, car lui seul transmet ces mots d’Isaïe : Et tout être vivant verra le salut de Dieu.
L’an quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée […], la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie. Une inscription, gravée sur une pierre à Césarée Maritime, prouve que le vrai titre de Ponce Pilate était « préfet de Judée ». Or, ce fonctionnaire de l’empire romain, détesté pour sa cruauté, a reçu dans la tradition chrétienne un honneur peu banal. En effet, en dehors de Jésus et de sa mère Marie, il est le seul être humain qui soit mentionné dans le Credo de toutes les Églises : « Crucifié sous Ponce Pilate, il [= Jésus] souffrit sa passion… » Cette mention de Pilate dans le Credo nous rappelle que la vie de Jésus n’est pas une fiction, mais une réalité. De la même façon, saint Luc le mentionne aujourd’hui après l’empereur romain et Hérode le tétrarque de Galilée, qu’il nommera encore dans son récit de la passion (voir Lc 23,6-12). Ainsi, toute la vie publique de Jésus, du ministère de Jean-Baptiste jusqu’à sa mort, est présentée comme un événement historique.
Luc situe Jean-Baptiste dans le sillage des prophètes d’Israël. Plusieurs de ces prophètes sont en effet introduits par une précision du même genre sur les rois de leur époque. Dans la Bible, pour s’adresser à tous les hommes Dieu s’adresse d’abord à un peuple particulier. Isaïe avait annoncé à Israël que Dieu serait son salut, et pour cela il avait employé l’image très concrète d’une route à préparer. Plus tard, le prophète Baruch reprendra cette image (notre première lecture). L’évangéliste redit à son tour les mêmes mots, mais à propos de Jean-Baptiste : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route.
Préparez le chemin du Seigneur : le temps de l’Avent est un temps de préparation, car le Seigneur veut encore venir à vous, chez nous, en nous. Il nous faut donc nous préparer à le recevoir. Et la liturgie précise que cela doit se faire dans la joie. Dès le début de l’Avent, nous sommes appelés à la joie. Cela n’est pas banal. Trop souvent on présente la venue de Dieu comme celle d’un juge suprême sévère qui vient condamner. Or, c’est tout le contraire que nous dit l’évangile, et que nous fait vivre la liturgie : dès aujourd’hui nous sommes appelés à la joie ! Et cette joie, saint Luc nous en donne le motif, en citant plus longuement que les autres le prophète Isaïe. Lui seul, en effet, cite ce verset : Et tout être vivant verra le salut de Dieu.
Tout être vivant : le salut que Dieu prépare n’est pas pour quelques-uns, pour un seul peuple ou pour des justes, il est pour tous ! Il est même destiné à l’ensemble de la création, et pas seulement à notre humanité. Mais c’est bien à nous, les êtres humains créés à son image, que Dieu prépare une place de choix dans son Royaume. Il veut faire de nous une grande famille de frères et de sœurs qui vivent en pleine communion avec lui, dans l’amour et la tendresse, dans la joie et la paix. Il est urgent d’espérer, de croire en la bonté de Dieu, en son dessein de salut pour tous !
Une des belles manières d’avancer dans la foi est de prier les uns pour les autres. Nous sommes solidaires les uns des autres, nous ne pouvons pas avancer sur la route du Seigneur sans les autres. Comme saint Paul, qui s’adressait aux chrétiens de Philippes avec une grande tendresse, portons-nous donc les uns les autres dans la prière, portons spécialement celles et ceux qui n’ont pas ou plus d’espérance. Le Seigneur vient, le salut est proche, soyons dans la joie. Amen !