Homélie 14e dimanche (9 juillet 2023)

Homélie du fr. Luc Devillers OP pour le dimanche 9 juillet 2023 (14e du T.O., année A) – Boscodon
Za 9,9-10 ; Rm 8,9.11-13 ; Mt 11,25-30

« Jérusalem, ton roi […] fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. » Cet oracle transmis par le prophète Zacharie semble dénué de sens dans le monde d’aujourd’hui. La guerre est partout, même revenue sur le sol européen ; les pays pauvres sont toujours plus pauvres et menacés dans leur survie par des étrangers spoliateurs et fauteurs de guerre. Et, ces derniers jours, la situation des Palestiniens, déjà difficile depuis des décennies, s’est encore aggravée avec l’intrusion de l’armée israélienne dans des villes comme Jenin. Dans la population palestinienne, les chrétiens sont particulièrement à plaindre, car ils ne sont plus qu’une poignée résiduelle : quelque 150’000 contre 7 millions de juifs et autant de musulmans !
Dans ces conditions, on peut se demander où est ce roi censé apporter la paix aux nations, et faire disparaître d’Israël toute arme de guerre. Comme toujours, devant une situation de crise extrême, nous sommes tentés de dire : « Où est Dieu ? » Ou, comme les justes souffrants des psaumes : « Dieu, que fais-tu, pourquoi dors-tu ? Sors de ton silence ! »
Nous voici donc acculés à la foi, c’est-à-dire à croire ce que nous ne voyons pas, à espérer, comme Abraham, contre toute espérance. Avec le psalmiste de ce jour, nous osons dire et croire que « Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent, il redresse tous les accablés. »
Croire à l’impossible, à ce qui est hors d’atteinte des êtres humains, mais possible pour Dieu. Croire que du mal et de la mort peuvent surgir le bien et la vie. C’est l’espérance de saint Paul aujourd’hui : « Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. » Nos corps sont mortels, non seulement parce qu’un jour nous passerons par la mort, mais aussi parce que, jour après jour, nous faisons l’expérience de notre petitesse, de notre fragilité, de notre impuissance.
Dans le monde difficile et douloureux qui est le nôtre, le monde réel où nous vivons, loin de nos rêves, l’espérance chrétienne peut nous donner la force d’avancer, d’oser affronter le mal et de le vaincre. Tout cela peut paraître fou, insensé, stupide, d’une désolante naïveté. Et pourtant, l’histoire de la foi au cours des siècles nous apprend que Dieu agit puissamment à travers des choses infiniment petites et modestes, que Dieu fait des merveilles avec et dans des êtres fragiles, faillibles, mais qui lui font confiance.
Aujourd’hui, le Christ nous partage le cœur de sa prière la plus intime : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Le secret de Dieu, que seuls les tout-petits peuvent recevoir, c’est celui de la vie plus forte que la mort, de l’amour plus fort que la haine. Et tout être humain peut en faire l’expérience. Ce n’est pas le privilège d’un petit groupe, pas même de celui des « tout-petits » dont parle Jésus, comme s’ils formaient un cercle fermé sur lui-même. Car l’humanité n’est pas divisée entre sages et savants d’un côté, et tout-petits de l’autre. Non : c’est en chacun de nous que le passage peut se faire, de la suffisance, de l’auto-suffisance, de la complaisance orgueilleuse et égoïste dans ses propres ressources et forces, à la confession humble et sincère de nos limites. Et c’est à travers ces limites que Dieu peut nous rejoindre, et nous insuffler son Esprit de vie, Esprit plus puissant que la mort.
Chers frères et sœurs, croyons-le : nous ne sommes pas abandonnés de Dieu, nous ne sommes pas livrés à notre triste sort. Et puisque la période des vacances scolaires a commencé, qu’elle soit non seulement un temps de repos bien mérité pour beaucoup, mais aussi l’occasion de redécouvrir l’amour de Dieu et de plonger à nouveau dans la confiance : « Devenez mes disciples – nous dit Jésus –, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. » Amen.