Homélie 22e dimanche (29 août 2021)

Homélie du fr. Luc Devillers OP pour le dimanche 29 août 2021 (22e du T.O. B), abbaye de Boscodon
Dt 4,1-2.6-8 ; Jc 1,17-18.21b-22.27 ; Mc 7,1-8.14-15.21-23 (Parole et pureté)

Plusieurs figures de prêtres et de religieuses ont marqué l’histoire de ma famille. En ce dimanche je pense en particulier à mon grand-oncle Jean, chanoine de la cathédrale d’Amiens, longtemps curé de la paroisse Saint-Martin de cette ville picarde, là où ce saint originaire de Hongrie a partagé son vêtement avec un pauvre ; et dans notre abbatiale il y a une statue de bois représentant cette scène. L’oncle Jean était passionné par la Parole de Dieu, et si ce n’est pas lui qui m’en a donné le goût, il m’a fortement encouragé dans ma propre passion pour la Bible. En 1975 il m’a offert la toute nouvelle édition du Nouveau Testament de la TOB (Traduction œcuménique de la Bible). Or, comme dédicace, il avait choisi ces mots de la lettre de Jacques que nous venons d’entendre : « Accueillez dans la douceur la Parole semée en vous ; c’est elle qui peut sauver vos âmes. » Je n’ai jamais oublié cette citation d’Écriture qu’il m’avait offerte en guise de programme de vie.
Et, ce matin, c’est bien ce passage de saint Jacques qui éclaire les deux autres lectures de la liturgie de la Parole : un fragment du Deutéronome exaltant la fidélité à tous les préceptes de la Loi de Moïse, et la controverse dans l’évangile de Marc entre Pharisiens, scribes et Jésus, au sujet de la pureté.
Soyons honnêtes : nous, les chrétiens, nous sommes parfois mal à l’aise avec un passage d’Ancien Testament comme celui que nous venons d’entendre. Il insiste si fort sur chaque commandement que l’on peut vite caricaturer la religion d’Israël en y voyant une religion de l’observance scrupuleuse et tâtillonne de la Loi du Seigneur. Nous oublions alors que, pour les Juifs de l’Ancien Testament, du temps de Jésus et d’aujourd’hui, la Loi, la Tora est avant tout un don de Dieu ! Si Dieu donne cette Loi, avec tous ses préceptes, ce n’est pas pour nous enfermer dans une vie obsédée par le scrupule et la minutie, mais bien au contraire pour nous donner la vie ! De fait, dans le passage que nous avons lu, Moïse disait au peuple : « Maintenant, Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, vous entrerez, pour en prendre possession, dans le pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères. » Nous sommes faits pour la vie, et le Seigneur nous donne en héritage un pays. Pour le peuple hébreu de l’antiquité comme pour les Juifs de notre temps, l’Israël de la terre est aussi un don de Dieu. Mais cette terre n’est pas éternelle, et notre foi au Dieu vivant nous fait espérer la venue du Royaume des Cieux, promis en héritage à tous ceux qui font le bien.
Faire le bien, vivre selon le plan de Dieu : c’est bien de cela que Jésus nous parle aujourd’hui. Sa critique de la position des Pharisiens et scribes veut nous rappeler où se trouve le cœur de la Tora. Dans un autre passage d’évangile, il résume la Loi à deux commandements : l’amour de Dieu et du prochain. Saint Paul ira même jusqu’à dire que l’amour du prochain concentre en lui seul toute la Tora. Aujourd’hui, saint Jacques et Jésus nous parlent de la pureté que nous devons atteindre. Cette pureté ne consiste pas en des pratiques extérieures – pas même celles imposées en temps de crise sanitaire ! –, mais elle doit provenir du plus profond de nos cœurs. C’est ainsi que nous pourrons véritablement aimer Dieu de tout notre cœur, d’un cœur droit et sincère, en nous mettant au service de nos frères, en particulier des plus fragiles et menacés. Dans le contexte socio-culturel de Jésus, ces pauvres étaient représentés par la veuve et l’orphelin. De nos jours, d’autres catégories de personnes se présentent à nous comme un défi à relever au nom de notre foi : les migrants, les sans domicile fixe, les chômeurs, les porteurs de handicaps lourds, etc.
Saint Jacques nous l’a redit : tout don parfait provient du Père des lumières, et sa Parole est une parole de vérité et de vie. Il ne sert à rien de la connaître par cœur et d’en remplir les rayons de sa bibliothèque, si on n’est pas capable d’en vivre concrètement jour après jour. La vraie pureté que nous devons atteindre, c’est celle qui nous fait voir le Christ dans le prochain, en particulier le plus pauvre et le plus fragile de nos frères humains. C’est encore celle qui nous fera éviter toute parole ou toute attitude qui pourrait porter atteinte à la dignité de nos frères et sœurs. Ne nous payons pas de mots, mettons la Parole en pratique. C’est ainsi que nous pourrons trouver la vie et la joie de Dieu.