Homélie du fr. Luc Devillers OP pour le 23 juillet 2023 (16e dimanche du TO A) – Boscodon
Sg 12,13.16-19 ; Rm 8,26-27 ; Mt 13,24-43
Quelques années avant l’ère chrétienne, à Alexandrie, un auteur juif a écrit en grec le livre de la Sagesse. Il y proclamait, nous venons de l’entendre : « Il n’y a pas d’autre dieu que toi. » Mais déjà le livre d’Isaïe affirmait qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Encore faut-il en connaître les qualités, et le livre de la Sagesse nous les a rappelées : il prend « soin de toute chose », ses jugements « ne sont pas injustes », il juge « avec indulgence », et « après la faute » il donne « une belle espérance », celle de la conversion, de la réconciliation et du pardon. Car notre Dieu est un Dieu de vie qui aime la vie et donne la vie. [Malgré certaines formules bibliques à ne pas prendre au pied de la lettre, Dieu ne saurait donner la mort : ce sont les personnes qui s’éloignent de lui qui se la donnent à elles-mêmes, cette mort éternelle qui sépare définitivement de Dieu.] Trop de gens ont encore en tête une idée de Dieu complètement fausse ou déformée, comme s’il haïssait la vie et nous empêchait de vivre. Trop de gens aussi se satisfont de ces caricatures de Dieu et de l’Église pour mieux s’en débarrasser, en méprisant tous ceux qui « y croient ».
Mais le message biblique résonne au fil des pages : notre Dieu ne prend pas plaisir à la mort du pécheur, il veut le salut éternel de tout être humain. Le psalmiste a chanté devant nous ce « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » ! Et si saint Paul affirme que « nous ne savons pas prier comme il faut », il sait que Dieu lui-même nous donne son Esprit pour nous apprendre à prier, à nous tourner vers lui avec amour et gratitude, humilité et confiance. Dieu veut notre bonheur, et nous fait partenaires de notre propre sanctification. À nous de prendre au sérieux la part qui nous revient, sachant bien que Dieu ne nous oubliera pas, et qu’il nous soutiendra dans toutes nos épreuves.
C’est pour nous encourager à prendre notre part que Jésus multiplie l’enseignement en paraboles. Chacune de ces histoires, courtes ou longues, a un message à transmettre, une attitude à suggérer. Impossible, et inutile, de vouloir les tenir toutes ensemble : elles ne se superposent pas, mais chacune peut nous aider à franchir telle ou telle étape de notre vie. Dimanche dernier, c’était la parabole du semeur qui nous invitait à réfléchir : savons-nous préparer en nous-même, au plus intime de notre cœur, un espace où la semence semée par le Christ pourra se développer et porter du fruit ?
Ce matin, avec les petites paraboles de la graine de moutarde et du levain dans la pâte, Jésus nous transmet et nous explique la parabole du bon grain et de l’ivraie. L’ivraie, la mauvaise herbe, s’appelle zizanie en grec : nous voyons tout de suite de quoi il retourne ! L’ennemi qui l’a semée dans le champ de son voisin, c’est celui que nous appelons le diabolos, le semeur de divisions. Or, l’être humain n’est pas fait pour être divisé. Il a besoin d’unité intérieure ; beaucoup de nos contemporains se livrent d’ailleurs à toute sorte de méditations transcendantales ou d’éveils de la conscience, mais sans savoir que c’est notre Père qui nous attire à lui et veut notre unité intérieure, comme dit un psaume (Ps 85/86,11) : « Unifie mon cœur pour qu’il craigne ton Nom ! » Dieu n’a que faire de pantins ou de marionnettes, qu’il pourrait manipuler à sa guise. Cela ne l’intéresse pas. Il nous a créés à son image et ressemblance, afin qu’à son image et ressemblance nous soyons capables de prendre notre vie en main, et d’aider nos frères et sœurs, spécialement les plus fragiles et démunis, à prendre leur vie en main.
Le message de la parabole du bon grain et de l’ivraie est clair : malgré toute notre bonne volonté, tous nos efforts et nos désirs, il restera toujours dans nos vies des zones d’ombre, pas encore évangélisées, où régnera la zizanie, le trouble, l’eau trouble. Mais Jésus nous dit de ne pas nous en inquiéter, de laisser l’ensemble des herbes bonnes ou mauvaises pousser jusqu’à la moisson. Alors, toutes nos mauvaises herbes seront jetées au feu et disparaîtront. Seul restera le bon grain, tout ce que nous aurons fait de beau et de bon pour Dieu et nos semblables. Voilà la Bonne Nouvelle de ce matin. Amen.